par Simon Chapuis-Breyton

Confronté au choix d’une structure pour porter son projet, l’entrepreneur ou le groupe d’entrepreneurs exclut souvent l’association en raison de préjugés sur la nature et le fonctionnement de cette forme juridique très ancienne mais au final assez méconnue.

 

Alors, selon vous, l’association est-elle une entreprise comme les autres ?

 

Pour répondre à cette question il s’agit en premier lieu de s’entendre sur la notion d’entreprise. Dans le langage courant on confond les termes d’entreprise et de société. Or si cette dernière a une définition précise, l’entreprise n’a pas à proprement parler de définition en droit français.

 

Tout dépend des domaines concernés. En droit commercial, l'entreprise peut se définir comme une “unité économique reposant sur une organisation préétablie et fonctionnant autour de moyens de production ou de distribution” (Définition donnée par le Lexique des termes juridiques, 15e éd, Dalloz).

 

Dans le droit de la communauté européenne, une entreprise est une entité portant une activité économique, c’est à dire « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (cf. Communication 2012/C 8/02, §11) . Cette “entité” peut être soit une personne morale (douée d’une capacité juridique et d’un patrimoine propre distinct de l’entrepreneur) soit une personne physique (par exemple les auto-entrepreneurs, ou les entreprises unipersonnelles, sans patrimoine distinct de celui de l’entreprise).

Avec cette approche, la notion d’entreprise recouvre également les associations, dès lors qu’elles réalisent une activité économique, et ce, même en l’absence de but lucratif, c’est à dire sans volonté de réaliser des profits et de les partager.

Le champ d’application de la qualification d’entreprise a été confirmé par la jurisprudence communautaire :

La Cour a déjà jugé qu’un établissement public sans but lucratif n’échappe pas, en principe, à la qualification d’entreprise au sens de l’article 87 CE.[...] il est constant que le statut juridique ou le mode de financement de l’entité en cause sont, à cet égard, indifférents. [...] le fait que cette entité s'est vu confier par la loi certaines missions d’intérêt général ne saurait être tenu pour déterminant [...] Ce qui caractérise l’entreprise au sens des règles de concurrence, c’est qu’elle exerce une « activité économique ». Par là, la Cour comprend toute « activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (conclusions de l’avocat général, M. Maduro, 12 janvier 2006, aff. C-237/04, Enirisorse SpA contre Sotacarbo SpA, §§24-25).

 

Cette analyse est précisée par la Commission :

 

« Toute activité consistant à l'offre des biens et/ou des services sur un marché donné est une activité économique au sens des règles de concurrence. Dans ce contexte, le fait que l'activité concernée soit qualifiée de "sociale" ou qu'elle soit exercée par un acteur sans but lucratif (…) n'est pas en soi suffisant pour échapper à la qualification d'activité économique » (§3.1.2, Document de travail des services de la Commission, Guide relatif à l’application aux services d’intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat, de « marchés publics » et de « marché intérieur », 7.12.2010).

 

Cette position a été confirmée depuis en droit national par une circulaire ministérielle (ANNEXE I et IV de la Circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations : conventions d'objectifs et simplification des démarches relatives aux procédures d'agrément)

 

Donc pour répondre à la question initiale :

Dès lors qu’elle exerce une activité économique, l’association est potentiellement une entreprise comme les autres, traitée comme telle pour l’application du régime des aides d’Etat, mais aussi de la fiscalité.

D’accord jusque là, une association peut être une entreprise au même titre qu’une société, mais la vraie question ne serait-elle pas :

“L'ASSOCIATION EST-ELLE UNE SOCIETE COMME LES AUTRES ?”

 

Beaucoup de porteurs de projet imaginent que les associations et les sociétés sont deux mondes totalement étrangers et pourtant ces deux formes partagent beaucoup de points communs :

 

1. Les sociétés et les associations sont des contrats

 

En effet, créer une société suppose de réaliser un contrat de société, par lequel un ou plusieurs associés conviennent “d'affecter des apports à une entreprise commune, en vue de réaliser et de partager des bénéfices, ou de profiter des économies qui en résultent” (Cf. Article 1832 du Code civil).

 

L'association quant à elle est “la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations” (CF. Article 1er de la loi du 1er juillet 1901).

 

2. Les sociétés et les associations sont des personnes morales

 

Par définition, une personne morale est une entité qui possède (exactement comme toute personne physique) un patrimoine propre et la capacité juridique (qui est l’aptitude pour la personne à être titulaire de droits et à les exercer, mais aussi à de contracter avec des tiers).

 

Or, tant la société que l’association sont des personnes morales.

 

L’acquisition de cette personnalité morale (dite aussi personnalité juridique) a lieu lors de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour les sociétés, et lors de la publication de l’avis de déclaration au Journal Officiel de la République Française pour les associations.

 

3. Les sociétés et associations peuvent être soumises aux impôts commerciaux

 

En effet, contrairement à une croyance bien établie, une association peut être “sans but lucratif” par la forme (impossibilité légale de partager les bénéfices entre les membres conformément à l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901), mais réaliser tout de même des activités commerciales exactement comme une société commerciale classique.

 

Dans ce cas, il serait injuste pour les entreprises fiscalisées qui exercent le même type d’activité d’avoir des concurrents exonérés des impôts commerciaux.

 

Ainsi, une association qui réalise des activités commerciales concurrentielles de façon similaire aux entreprises fiscalisées doit également être assujettie aux impôts commerciaux (Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts (“BOFiP”), n°BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20-20170607).

 

4. Les sociétés et associations peuvent réaliser des bénéfices.

 

Un autre mythe autour des associations consiste à penser qu’elles ne peuvent pas réaliser de bénéfices. Beaucoup d’associations font leur maximum pour se retrouver à l’équilibre en fin d’exercice social et dépenser toutes les recettes engrangées au cours de l’année, afin de répartir à zéro pour le suivant.

 

En réalité, les associations peuvent réaliser autant de bénéfices qu’elles le souhaitent, que ces derniers soient accidentels, habituels ou systématiquements recherchés (CJCE, 21 mars 2002, aff. 174/00 : RJF 6/02 n°736; CE 21-11-2007, n°291375 : RJF 2/08 n°132) La seule interdiction consiste à ne pas les partager entre les membres et à ne pas les utiliser à des fins ne correspondant pas à l’objet social de l’association.

 

Dans tous les cas, une association doit poursuivre son objet social qui ne peut consister dans la recherche de profits ou d’économies comme c’est le cas pour les sociétés commerciales (cf. article 1832 du Code civil).

OK, MAIS ALORS QU'EST-CE QUI DIFFERENCIE VRAIMENT L'ASSOCIATION DE LA SOCIETE ?

1. L’association est obligatoirement pluripersonnelle

 

Cela peut paraître anodin mais une association, à la différence des sociétés qui existent sous la forme unipersonnelle (ex: entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, société par actions simplifiée unipersonnelle), ne peut être constituée que par deux personnes au minimum.

 

L’association est donc forcément un projet collectif.

 

2. Lorsqu’on crée une association, on sort de la logique patrimoniale

 

Être dans un logique patrimoniale, cela signifie que l’on cherche à retirer des bénéfices personnels de son action, de son investissement dans le projet.

 

C’est notamment le cas, lorsqu’on investit dans le capital d’une société commercial en échange de ses titres : cet investissement va ouvrir droit à une portion du bénéfice (les dividendes), mais aussi permettre de réaliser éventuellement une plus-value en cas de vente des titres de la société.

 

Dans une association, la règle cardinale à laquelle il n’est pas possible de déroger est l’impossibilité de se partager les bénéfices entre les membres. Et ce, que l’association soit fiscalisée ou non. S’il est possible de faire un apport ou un prêt à une association, il n’est pas possible de réaliser des bénéfices en investissant dans le projet associatif.

 

Une association n’a pas à proprement parler de capital social, mais dispose de fonds propres dont elle ne peut se servir que pour réaliser son objet social. Ainsi, en cas de dissolution d’une association, les membres ne peuvent récupérer le boni de liquidation, qui dans le silence des statuts doit être utilisé conformément à l’objet social.

 

Choisir une association est donc un bon moyen d’éviter le risque de spéculation ou d’enrichissement personnel des membres de l’association. Cette forme permet à des porteurs de projet de se concentrer sur le projet et de se situer sur un pieds d’égalité sans considération des capacités de financement de chacun.

 

Avec une association, le “propriétaire” du projet est l’association elle-même.

 

3. La fiscalité est différente.

 

Contrairement aux sociétés commerciales par la forme qui sont automatiquement assujetties aux impôts commerciaux (même si cela est théoriquement contestable, notamment pour les structures à la lucrativité limitée comme les coopératives), les associations non lucratives sur le plan fiscal, c’est à dire dont la gestion est désintéressée et qui ne concurrencent pas le secteur commercial, ne sont pas imposables.

 

Cela implique en particulier pour une association qui ne souhaite pas être fiscalisée, de ne pas rémunérer ses dirigeants directement ou indirectement, sauf dans le cadre de la tolérance administrative des ¾ du SMIC (BOFiP n°BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20-20170607, §°100), ou celui du régime légal pour les associations d’une certaine taille (l'article 261 du CGI, 7, 1°, d, du Code général des impôts).

 

4. Les associations peuvent être éligibles au mécénat

 

Le fait d’être non lucratives par la forme permet aux associations d’ouvrir droit au régime fiscal de faveur pour les dons qui leur sont consentis dès lors qu’elles sont non lucratives sur le plan fiscal (gestion désintéressée, et non concurrence avec le secteur commercial), qu’elles ne fonctionnent pas au profit d’un cercle restreint de personnes ou d’adhérents et qu’elles réalisent des activités d’intérêt général au sens des articles 200 et 238 bis du Code général des impôts.

→  Sur ce point, voir notre article “Mon association est-elle d’intérêt général ?”

En résumé, on peut dire que les associations sont bien des entreprises comme les autres mais ne fonctionnent pas selon la même logique juridique et fiscale que les sociétés commerciales.

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