par Emmanuel Sadorge

Pour être agréée ESUS, une société commerciale (SA, SAS, SARL) devra respecter les conditions cumulatives suivantes :

1 - Respecter les critères d’appartenance à l’ESS

2 - Respecter les critères spécifiques de l’agrément ESUS

1. APPARTENANCE A L'ESS

 

Appartiennent de droit à l’ESS :

« les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d'assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle » (Cf. article 1-II.-1° de loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire).

Ainsi les associations et les coopératives relèvent de droit de l’ESS.

Ce n'est pas le cas des sociétés commerciales qui doivent quant à elles respecter plusieurs conditions :

En premier lieu : 

A. RESPECTER LES PRINCIPES DE L'ESS

Les sociétés commerciales doivent démontrer qu'elles ont :

« 1° Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;

2° Une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l'information et la participation, dont l'expression n'est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l'entreprise ;

3° Une gestion conforme aux principes suivants :

  • Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité de l'entreprise ;
  • Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées. Les statuts peuvent autoriser l'assemblée générale à incorporer au capital des sommes prélevées sur les réserves constituées au titre de la présente loi et à relever en conséquence la valeur des parts sociales ou à procéder à des distributions de parts gratuites. 

 

En outre, les sociétés commerciales doivent :

B. RECHERCHER UNE UTILITE SOCIALE

Cela veut dire que leur objet (autre que la poursuite du bénéfice) doit viser : 

  • Soit à aider des gens en situation difficile :
    • « 1° Elles ont pour objectif d'apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragilité soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou de leurs besoins en matière d'accompagnement social ou médico-social. Ces personnes peuvent être des salariés, des usagers, des clients, des membres ou des bénéficiaires de cette entreprise" ;
  • Soit à agir pour renforcer la solidarité et la cohésion sociale sur un territoire :
    • "2° Elles ont pour objectif de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l'éducation à la citoyenneté, notamment par l'éducation populaire, à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale" ;
  • Soit enfin à sauver la planète si c'est rattachable à l'un des deux premiers points :
    • "3° Elles concourent au développement durable dans ses dimensions économique, sociale, environnementale et participative, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale". 

 

 

Enfin les sociétés commerciales appartenant à l'ESS adoptent une lucrativité limitée, ce qui implique de : 

C. RESPECTER LES PRINCIPES DE GESTION SUIVANTS :

  • «  Le prélèvement d'une fraction […] égale à 20 % des bénéfices de l'exercice, affecté à la constitution d'une réserve statutaire obligatoire, dite « fonds de développement », tant que le montant total des diverses réserves n'atteint pas [le cinquième] du capital social. Cette fraction ne peut excéder le montant du capital social. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ;
  • le prélèvement d'une fraction […] au moins égale à 50 % des bénéfices de l'exercice, affecté au report bénéficiaire [ou] aux réserves obligatoires [légales et statutaires]. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ;
  • l'interdiction pour la société d'amortir le capital et de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes, sauf lorsque cette opération assure la continuité de son activité, dans des conditions prévues par décret. Le rachat de ses actions ou parts sociales est subordonné au respect des exigences applicables aux sociétés commerciales, dont celles prévues à l'article L. 225-209-2 du code de commerce » (cf. arrêté du 3 août 2015).


 

Ainsi, les statuts des sociétés commerciales qui font publiquement état de leur qualité d'entreprise de l’ESS doivent contenir les mentions suivantes :

  • « 1° Une définition de l'objet social de la société répondant à titre principal à l'une au moins des trois conditions [caractérisant l’utilité sociale] ;
  • 2° Les stipulations relatives à la composition, au fonctionnement et aux pouvoirs des organes de la société pour assurer sa gouvernance démocratique, et notamment l'information et la participation des associés, dont l'expression n'est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur participation, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l'entreprise ;
  • 3° L'affectation majoritaire des bénéfices à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité de la société ;
  • 4° Le caractère impartageable et non distribuable des réserves obligatoires constituées ;
  • 5° La mise en œuvre des principes de gestion [prévoyant des mises en réserves, l’interdiction d’amortissement du capital et les cas de réduction de capital non motivée par des pertes] » (Cf. Décret n° 2015-858 du 13 juillet 2015).

 

En pratique, une instruction ministérielle précise que :

« Quel est le statut juridique de l’entreprise ? Pour les sociétés commerciales, l’appartenance à l’ESS sera vérifiée à partir d’une lecture des statuts. Pour les autres, la forme juridique suffit à justifier de cette condition » (Cf. instruction ministérielle du 20 septembre 2016 à destination des instructeurs en vue de la mise en œuvre du dispositif de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale »  / NOR : ECFT1624490J).

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Concernant la gouvernance démocratique, l'instruction de 2016 précise que :

« Les services instructeurs vérifieront que la gouvernance de l’entreprise prend en compte un ensemble de parties prenantes à l’activité de l’entreprise, dépassant le cercle des seuls associés, qui y sont liés par leur apport en capital ou leur contribution financière.

Ces modalités de gouvernance peuvent être organisées de diverses manières, en fonction de la taille de l’entreprise, de son organisation interne, de son statut juridique, ou de son projet d’entreprise.

De telles exigences pourront être satisfaites par exemple, à titre illustratif :

  • la création d’un organe ad hoc inscrit dans les statuts. Peut ainsi être suggérée la mise en place d’un comité rassemblant associés, salariés, dirigeants et/ou toute autre partie prenante de l’entreprise, qui se réunit à intervalle régulier et dont les travaux alimentent les instances statutaires ;
  • et/ou le respect de modalités de consultation, de participation ou d’organisation spécifiques prévues dans les statuts. Peuvent ainsi être suggérées les modalités suivantes : l’organisation de réunions annuelles de l’ensemble des salariés ; la mise en œuvre de dialogues de gestion avec les parties prenantes (usagers, clients, bénéficiaires, fournisseurs, etc.) à l’activité de la société ; l’association des parties prenantes à l’évaluation des prestations d’utilité sociale, ainsi que de leur impact » (Cf. ANNEXE 1 de l’instruction ministérielle du 20 septembre 2016 à destination des instructeurs en vue de la mise en œuvre du dispositif de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale »  / NOR : ECFT1624490J).

2. AGREMENT ESUS

 

 

Une fois qu'on respecte les conditions pour appartenir à l'ESS, on peut demander un agrément Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale, dit agrément ESUS.

 

A. ENTREPRISES N'APPARTENANT PAS A LA CATEGORIE « DE PLEIN DROIT ET ESS »

En principe, selon l’article L.3332-17-1 du Code du travail, pour prétendre à l'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale », l'entreprise doit relever du champ de l’ESS et remplir les conditions cumulatives suivantes :

1° L'entreprise poursuit comme objectif principal la recherche d'une utilité sociale

2° La charge induite par son objectif d'utilité sociale a un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l'entreprise ;

Selon l’article R3332-21-1 du Code du travail, la condition est remplie lorsque l'une ou l'autre des deux conditions suivantes est remplie :

- impact sur le compte de résultat : Les charges d'exploitation liées aux activités participant à la recherche d'une utilité sociale, représentent au moins 66 % de l'ensemble des charges d'exploitation du compte de résultat de l'entreprise au cours des trois derniers exercices clos ;

- rentabilité financière : pas de rémunération des fonds propres ou quasi fonds propres au-delà du seuil du taux moyen de rendement des obligations (qui est de 1,04% au premier semestre 2018) augmenté de 5%. En français, cela veut dire que vous ne devez pas rapporter plus de 6% de rendement aux organismes et aux personnes qui financent la société.

Pour les entreprises créées depuis moins de trois ans à la date de la demande d'agrément, les conditions mentionnées au 1° et au 2° sont vérifiées sur l'ensemble de leurs exercices clos.

 

La politique de rémunération de l'entreprise satisfait aux deux conditions suivantes :

a) La moyenne des sommes versées, y compris les primes, aux cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés n'excède pas, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, un plafond fixé à sept fois la rémunération annuelle perçue par un salarié à temps complet sur la base de la durée légale du travail et du salaire minimum de croissance, ou du salaire minimum de branche si ce dernier est supérieur ;

b) Les sommes versées, y compris les primes, au salarié ou dirigeant le mieux rémunéré n'excèdent pas, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, un plafond fixé à dix fois la rémunération annuelle mentionnée au a ;

 

4° Les titres de capital de l'entreprise, lorsqu'ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers, français ou étranger, dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d'investissement ou tout autre organisme similaire étranger ;

 

Les conditions mentionnées aux 1° et 3° doivent figurer dans les statuts.

 

L’instruction ministérielle demande aux services instructeurs de procéder à une appréciation qualitative de deux « points importants, qui nécessiteront une attention particulière » :

  • le caractère d’utilité sociale de l’activité de l’entreprise et l’intensité de son impact sur le compte de résultat ou sur la rentabilité financière ;
  • les modalités de gouvernance démocratique retenues par les sociétés commerciales (Cf. instruction ministérielle du 20 septembre 2016 à destination des instructeurs en vue de la mise en œuvre du dispositif de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale »  / NOR : ECFT1624490J).

 

B. ENTREPRISES DE LA CATEGORIE « DE PLEIN DROIT ET ESS »

 

Par exception, certaines entreprises respectant les conditions de l’ESS bénéficient de plein droit de l'agrément si elles respectent la condition de non admission de leurs titres de capital sur des marchés d’instrument financiers (point 4°).

Il s’agit des entreprises suivantes :

  • - Les entreprises d'insertion ;
  • - Les entreprises de travail temporaire d'insertion ;
  • - Les associations intermédiaires ;
  • - Les ateliers et chantiers d'insertion ;
  • - Les organismes d'insertion sociale relevant de l' article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles ;
  • - Les services de l'aide sociale à l'enfance ;
  • - Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale ;
  • - Les régies de quartier ;
  • - Les entreprises adaptées ;
  • - Les centres de distribution de travail à domicile ;
  • - Les établissements et services d'aide par le travail ;
  • - Les organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation ;
  • - Les associations et fondations reconnues d'utilité publique et considérées comme recherchant une utilité sociale au sens de l'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 précitée ;
  • - Les organismes agréés mentionnés à l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles ;
  • - Les établissements et services accompagnant et accueillant des enfants et des adultes handicapés mentionnés aux 2°, 3° et 7° du I de l'article L. 312-1 du même code.

Une instruction ministérielle précise que :

« Au terme du II de l’article 11, certaines catégories d’entreprises sont réputées avoir un impact social significatif. Elles sont rassemblées sous une catégorie qu’il est convenu d’intituler « de plein droit et ESS ». Pour que leur soit accordé l’agrément ESUS, ces entreprises n’ont pas à détailler leurs missions d’utilité sociale ni à prouver leur impact sur leur compte d’exploitation ou sur leur rentabilité financière » (Cf. instruction ministérielle du 20 septembre 2016 à destination des instructeurs en vue de la mise en œuvre du dispositif de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale »  / NOR : ECFT1624490J).

 

 

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